• Avoir 20 ans en 1939 ( première partie)         8 mai 2016

    Pour une fois Le Piarre dont je vous parle  dans mes histoires va retrouver son vrai prénom sur mon blog. Je ne crois pas qu'il serait  content que je transforme en "histoire " ses 3 ans de service militaire. Ce texte est , à l'origine , écrit comme un témoignage pour donner à un journal trimestriel, suivant la demande de mon père. Mais, en attendant que ce journal ait de la place pour en publier une partie, je mets cet écrit sur mon blog et , mardi ( jour de ses 97 ans ) je dirai à mon père que ses paroles font le tour du monde ou presque. Ce récit sera en 3 ou 4 épisodes.

    Je pense que mon père faisait partie de ceux qu'on a appelés par la suite les soldats de L'Armée de l'Armistice. Il n'a jamais employé ce mot, donc je respecte ses paroles. Je lui ai relu ce texte et il m'a fait apporter les corrections qu'il jugeait utile. Ben oui, j'appelais parfois le "commandant" " lieutenant " ou l'inverse. Et ça, il n'aime pas !!!

    J'espère ne pas vous lasser avec les 3 ans d'armée de mon père. Il fait partie des avant-derniers soldats du contingent incorporés en cette année 1939.

    Vie Militaire de mon père telle qu’il me l’a racontée le 11 septembre 2015.

    René Berthon est né le 10 mai 1919. Il vit actuellement à Target (Allier)

    Classe 39-1- Mobilisé le 12 novembre 1939 à Montpellier Quartier Lepic 181 ième régiment d’infanterie alpine.

    Avoir 20 ans en 1939

     Photo extraite d'archives familiales 

    " Dix jours après mon incorporation, j’ai une bronchite aiguë qui a été bien soignée par des médecins et infirmières militaires.

    Les classes : le but est d’apprendre à être militaire avant d’aller éventuellement au front. Les nouvelles classes vont dans le sud en zone libre avant d’effectuer les deux ans d’armée, comme c’était avant la guerre. ( On verra que la suite sera différente).

    Le commandant demande des volontaires pour aller au mortier 81. Nous changeons de caserne pour nous rendre à la caserne de l’Aude ( 100 personnes environ dans cette petite caserne). La soupe est nettement meilleure. Nous allons là jusqu’en mars 1940 puis allons ensuite au Quartier Lepic.

    Quartier Lepic : Comme tout militaire, nous faisons des marches. Généralement, nous parcourons 24kms aller-retour.

    Nous apprenons à utiliser les fusils avec des tirs à blanc.

    Avant mon départ à l’armée, ma mère m’avait acheté une bonne paire de brodequins faits par le cordonnier de mon village  de Voussac. C’était obligatoire d’arriver à l’armée avec ses chaussures.

    Ces souliers étaient très lourds et je suis revenu de marche à la caserne avec les pieds enflés et des ampoules.Traitement de choc au formol. Le lendemain, mes pieds étaient guéris.

    Début avril 1940 :35 soldats doivent partir pour un régiment en Tunisie. Je suis de ceux-là , sans savoir pourquoi j’ai été désigné. Nous partons en cantonnement chez l’habitant à côté de Lepic un lundi pour laisser la place à la 39/2 qui venait d’être incorporée. Chez l’habitant, nous avons dormi dans des cuvages pendant à peine huit jours de temps.

    Deux gars m’appellent et me paraissent être des inconnus. En réalité, ils sont de mon village d'origine( Voussac 03) : ce sont Henri Lacarin, un copain d’école et Roger Tabutin ( 10 ans de plus que moi ). Le troisième, un beau capitaine, est un inconnu qui me dit se nommer Boursat .C’était un officier de réserve, engagé dans l’armée. Dans le civil, il travaillait chez « Casino ».

    Ce capitaine nous dit : «  Nous allons bientôt partir en Tunisie. Demain, nous irons en ville manger quelque chose dans un bistrot. Nous mangeons bien mais nous arrosons le tout avec du vin rouge, du vin blanc et deux bouteilles de champagne

    Nous sommes revenus à la caserne en assez bon état.

    Le lundi matin suivant, nous nous préparons à quitter notre cantonnement à Montpellier pour embarquer pour la Tunisie.

    Nous allons à Marseille en train. Là-bas,nous embarquons sur le paquebot « Massilia ». Les petites cabines sont transformées pour les troupes en cabines de deux et de quatre.

    Nous avons bien mangé pour éviter d’être malades en bateau( c’est ce qu’on nous avait conseillé).

    Nous allons nous coucher. Je choisis le lit du bas. J’entends des bruits de « renvois ». Je rentre vite mes souliers pour éviter qu’ils ne soient plus portables le lendemain.

    Le lendemain matin, on nous dit d’aller chercher du café. Je suis volontaire pour y aller. Je descends au quatrième pont chercher du café pour 20 personnes et je reviens avec deux bidons de café. Les malades n’en voulaient pas. Donc plus qu’à jeter le café!  Le jour s’est levé. Nous étions en mer et je me souviens d’avoir eu l’impression d’être dans une gigantesque cuvette.

     

    Nous arrivons à Bizerte vers 17h le mardi et  et on nous annonce que le paquebot ne peut aller jusqu’au port car pas assez de profondeur d’eau. Nous voyons arriver des barques à fond plat. Nous montons 10 par barque. C’était une sensation curieuse pour un jeune paysan. Nous touchions la mer avec nos mains.

    Arrivés à Bizerte, on nous annonce que nous allons prendre un train pour Sfax (30km).Ce train a 2 wagons de voyageurs et le sergent-chef nous a dit : « Vous descendrez à la prochaine gare ! »

    Au bout d’un moment, le train s’arrête. Nous descendons et le train repart rapidement. Mais où sont les 35 bidasses montés à Bizerte ? Nous sommes seulement 7 sur le quai. Nous venions de nous tromper de gare sur erreur du sergent reparti dans l’autre wagon.

    Comment allons-nous rejoindre le reste de la troupe ? Pas d’autre train, ce soir !

    Nous expliquons notre cas au chef de gare qui se gratte la tête et nous dit qu’il va arrêter une draisine. Jamais vu une draisine de ma vie !

    Aussitôt dit, aussitôt fait, nous nous installons sur des billes de bois (2 billes par wagon).

    Quand nous arrivons là-bas, le Commandant nous dit qu’il a failli nous classer en déserteur.

    Et voilà que le lieutenant nous annonce qu’il vient de recevoir l’ordre du commandant de nous ramener en France et auparavant à Bizerte. Nous voici donc de nouveau dans  cette ville où nous devrons dormir car notre paquebot ne repart que le lendemain.

    Nous apercevons un tas de cailloux cassés. Nous nous allongeons derrière, la tête sur un sac.

    Je me souviens d’attaques de moustiques et de deux énormes piqûres au visage.

    Le jour arrive.Nous quittons notre tas de cailloux et nous allons embarquer sur le paquebot «La Désirade ». Mais, nous devons naviguer de nouveau sur les bateaux à fond plat. Nous trouvons le temps long.

    Après l’embarquement, nous pouvons manger. La cuisine est bonne sur ces paquebots. Départ de Bizerte vers 17h. Puis 24 h de navigation pour arriver à Marseille.

    A notre arrivée, le port de Marseille vient d’être bombardé par les italiens. Des oranges, des bananes jonchent le sol. Nous prenons, au passage, deux ou trois bananes chacun.

    Nous allons passer la nuit dans un grand entrepôt avec de nombreux matelas sur le sol.

    MONTEE AU FRONT ( avril 1940) : On nous annonce que nous ne sommes plus des « bleus »et qu’on doit monter au front.

    Le lendemain, nous montons dans un wagon qui nous emmène vers le nord.

    ( Suite au prochain article )

     

     

     

     

     

     


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