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    AVOIR 20 Ans en 1939(2)  11/05/2016

    Vous pouvez relire la première partie ici 

     

    MONTEE AU FRONT ( avril 1940) :

    "On nous annonce que nous ne sommes plus des « bleus »et qu’on doit monter au front.

    Le lendemain, nous montons dans un wagon qui nous emmène vers le nord.

     

    Nous arrivons à Fontaine le Port ( près de Fontainebleau ) à la nuit.Nous sommes sur la ligne de front et il fait nuit. On se repose sur l’herbe. Le capitaine de la compagnie , un ancien de la guerre 14-18 ,  nous annonce que nous allons prendre position  là avec le mortier.

     

     

     

    Photo archives familiales 

     

     

    Soudain, un coup de canon retentit. A 3h du matin, le capitaine nous dit :"Debout  les gars ! si vous ne voulez pas être prisonniers, il faut repartir ! "

    Il faut bien dire que les Allemands sont arrivés par la Belgique avec des centaines de chars, beaucoup mieux équipés que les Français.

    Nous, les français, nous étions avec des chevaux et la voiture à mortier, sans camion, sans char.

    Nous repartons de Fontainebleau avec  pour tout bagage, notre sac à dos car nous laissons le mortier et le fusil sur place.

    Nous reprenons la route à pied en direction du Sud. On ignore encore  qu’on va marcher pendant 15 jours de suite.

    Au soir de ce premier jour, le lieutenant nous dit :

    « Reposez-vous dans un bois de pin ! »

    Je quitte mes souliers de qualité. Le lendemain, je n’avais plus de souliers: ils avaient été volés.

    Ma mère avait mis également des pantoufles dans mon sac à mon départ et c’est celles-ci que je me mets aux pieds.

    Pendant quinze jours, je marche en pantoufles. C’est une année bien chaude, heureusement !

    Comme nourriture, nous n’avions qu’un paquet de biscuits de guerre dans notre musette. On arrivait à remplir nos bidons d’eau, le long du chemin. On mangeait un biscuit de guerre par jour et quelques tomates cueillies dans les jardins.

    Nous ne voyions personne. Tous les gens étaient partis.

    Sur notre chemin, nous avons trouvé un château aux portes ouvertes. Personne ! Lui aussi a été abandonné par ses occupants.

    Nous avons rempli un de nos bidons de vin, dans la cave ouverte.

     

    Nous trouvons un autre petit bois pour nous reposer. Nous décidons de boire notre vin. En réalité, c’était du rhum que nous avions pris et nous n’en avons bu qu’une gorgée.

    Pendant notre longue marche, nous n’avions aucune nouvelle. Certains ont dû s’arrêter en chemin, trop fatigués. Que sont-ils devenus ?

     

    Arrivée à Agen: 

    Nous atteignons Agen sans savoir où nous arrivions. De grandes tables sont dressées là. Atmosphère de fête ! Nous apprenons que l’armistice a été signé 3 jours auparavant.

    Je me souviens que nous avons mangé des grandes nouilles à la sauce tomate, du fromage et bu un quart de vin et du café. Moi qui n’aime pas les nouilles, je les ai trouvées bonnes, ce jour-là.

    Nous sommes tous pas rasés. Moi, je n’ai pas de barbe aux endroits où les moustiques m’ont piqué.

    Un soldat très, très barbu est assis à ma droite. Nous nous regardons. Puis celui-ci me dit : "T’es René Berthon ?

    - Mais toi, t’es Raymond  Violle, dis-je en reconnaissant le son de sa voix.". Je précise que Raymond est un habitant de mon village que je connaîs depuis toujours.

    Comme nous devons aller à six kms d’Agen, nous décidons avec Raymond de ne plus nous quitter. Le soir,nous couchons dans une cabane à poules à deux étages. C’est un prêtre que Raymond connaît qui prend l’étage du dessous.

    Une cuisine roulante est installée. Nous logeons à 40 mètres de La Garonne.

    AVOIR 20 ANS EN 1939 ( 2)

     

     

     

    Le lendemain, le lieutenant demande : « Qui veut aller faire des courses à Agen ? Il faut bien manger »

    Je réponds : " Moi, mon lieutenant ! "

    Je dois aller acheter du pain, du saucisson, du tabac.

    Raymond Violle qui vient de toucher 1000 F ( prêt franc de l’armée) demande si on peut lui acheter une ligne et du tabac.

    Moi, je n’ai  reçu ni courrier, ni mandat depuis longtemps. J’ai appris, par la suite que tout revenait chez mes parents avec la mention : « Porté disparu ».

    Quand je suis revenu d’Agen, j’ai donné la ligne à Raymond qui avait déjà préparé la canne , confectionnée avec une branche de noisetier. Il avait également ramassé des vers.

    Une heure après, il avait capturé trois gros poissons, des sortes de tanches.

    Nous posons deux gros cailloux sur le sol l’un à côté de l’autre. Mais rien pour faire cuire ! Nos logeurs nous ont donné une poêle.

    Un soldat de Durdat-Larequille surnommé « Quillou » avec ses 1,62 m nous annonce : « Je vous apporte de la graisse. »

    Le poisson est bien préparé. Pas d’écailles et coupé en morceaux! Quillou nous trouve du sel.

    Evidemment, on  offre un morceau de poisson  au lieutenant.

    Avec Raymond, nous écrivons un jour sur deux en espérant qu’un de nos courriers arrivera à Voussac (aucun courrier ne passe).

    C’est Jeanne, l’épouse de Raymond qui reçoit le premier courrier et annonce à ma mère que nous sommes en vie .

     

     

     

    Photo archives familiales personnelles ( René Berthon ,à droite )

     

    Raymond, plus âgé, est démobilisé au bout de 3 semaines. Nous l’accompagnons à Sète ainsi que les autres de son âge ( 10 ans de plus que nous, minimum ).

    Tous les « Vieux » sont partis. Les seuls qui restent à Agen sont la classe 39/1 et la classe 38 (dernier contingent )

     

     

    Je précise que j'ignore le lieu et la date exacte  de prise de vue des photos , sauf pour certaines d'un prochain article.

     

    (Suite dans un prochain article)

     


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