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Vingt ANS en 1939 ( 4 )
Vingt ans en 1939 (4) 2 juin 2016
Première partie : ici
Deuxième Partie : là
Troisième partie : ici
Un militaire me regardait arriver par la fenêtre. J’apprends que c’est le Commandant Colliou . Je me présente et il me dit : « Je ne sais pas où je vais vous mettre. Quel est votre métier ?
-Cultivateur, Mon Commandant !
-Savez-vous labourer ?
- Oui, Mon commandant
- Vous allez donc vous occuper des chevaux. L’écurie est à l’hôtel de La Renaissance chez monsieur Gruet ( Premier hôtel à gauche après le pont ) pour les chevaux de mortier. Il manque quelqu’un pour s’occuper des chevaux.
Cette photo a été prise par mon père. Si quelqu'un se reconnaît ou reconnaît un membre de sa famille, je lui enverrai volontiers la photo.
Photo personnelle extraite d'archives familiales
Le caporal, ancien boucher, est bien content que je m’occupe des chevaux avec cinq autres. Le sixième cheval sera donc le mien..
Mon travail à Lapalisse :
Le Commandant me dit : « Vous allez partir à Billezois ( près de Lapalisse ) pour labourer chez monsieur Montagne . »
Monsieur Montagne m’accueille dans la cour. C’est un homme fort, nerveux, extraordinaire .
Ces gens sont très aimables. Ils ont deux enfants : une jeune fille de petite taille et un fils Joseph qui était au lycée.
Ce monsieur était maçon et n’avait pas de chevaux.
Dans le champ, je vois une charrue-roue avec le soc pas trop gros.
"Je ne peux pas labourer avec celle-ci .
-J’en ai une autre, dit Monsieur Montagne". Il va dans la vieille grange située dans le champ et revient avec la charrue sur le dos ( Il avait bien 50 mètres à faire ).
Je mange à midi chez les Montagne et , le soir , retour avec les chevaux à Lapalisse .
J’étais reçu comme chez moi chez ces gens et je garde un excellent souvenir d’eux.
Après les labours, je suis allé charger du foin , chez eux.
Ensuite, je suis allé travailler avec les chevaux à Périgny chez les Caillot : leur fils était prisonnier. J’ai passé trois jours à labourer. J’étais nourri et logé dans la chambre du fils.
Un jour , le Lieutenant me demande : « Est-ce que votre mère fait du beurre ». Le commandant Colliou pose la même question.
Le dimanche suivant, je vais chez mes parents en vélo et je reviens avec deux mottes de beurre de 1kg et 2 kg .Le lieutenant et le commandant habitaient en ville.
Nous logions dans les dépendances du château. D’autres logeaient près de la ligne de démarcation dans des baraquements en bois .
Ainsi s’écoule ma vie de militaire à Lapalisse.
Mon père est au centre .Il semblait habillé pour un voyage et non pour les champs
Photo personnelle extraite d'archives familiales
Décembre 1942 : On m’annonce que je vais être libéré. Avant de rentrer chez moi, j’ai bien l’intention de rester deux ou trois jours à Lapalisse pour dire au revoir aux amis.
Mais , on nous annonce que les allemands occupent toute la France. Plus de ligne de démarcation !
Donc, à minuit, je prends mon vélo et rentre chez mes parents à Larfeuille ( un hameau de Voussac ). Je suis arrivé chez eux à 5h du matin.
En résumé :
Pendant les 18 premiers mois, ce fut la galère. Personne n’avait pensé que nous marcherions ainsi, sans arme .
Nous marchions en essayant de ne pas être faits prisonniers. Nous étions 100 au départ de Fontainebleau et nous n’étions que 35 à l’arrivée à Agen.
Certains ne pouvant plus marcher ont dû être faits prisonniers ; d’autres sont peut-être rentrés chez eux . Je ne sais pas ce qu’ils sont devenus.
Les 18 mois suivants, à Lapalisse , ont été un paradis .
Le Commandant Colliou a formé par la suite un bataillon de soldats du maquis .
Les allemands sont arrivés avec des centaines de chars. Les français en avaient douze .
A mon avis, les officiers ne pouvaient rien faire contre l’envahisseur. Personne n’avait pensé qu’ils auraient franchi la ligne Maginot.Leur arrivée par la Belgique était totalement imprévisible
Vous pouvez lire un intéressant article du blog Palicia sur le Commandant Colliou alias Commandant Roussel et son engagement dans la résistance .
http://palicia.blogspot.fr/2012/01/marcel-colliou-alias-commandant-roussel.html
DANS UN PROCHAIN ARTICLE VOUS AUREZ UN ENREGISTREMENT DU MILITAIRE DE L'EPOQUE ET VOUS CONNAITREZ VRAIMENT L'ACCENT BOURBONNAIS .
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Commentaires
"Les allemands sont arrivés avec des centaines de chars. Les français en avaient douze ."
Tout est dit et rien n'a changé.
beau témoignage. Ton père est sur la deuxième photo?
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Vendredi 3 Juin 2016 à 12:09
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3daniel63Vendredi 3 Juin 2016 à 08:08Merci pour ce recit qui évoque encore la débandande qui régnait à l'époque ...
Au moins , ces jeunes ont été utiles à ces familles où manquait quelqu'un .
daniel 63: Merci .Et oui, c'était encore la débandade . Et à 25km de Vichy , je pense que ces gars basés à Lapalisse se sentaient utiles en aidant les gens. Mon père a toujours eu une grande admiration pour le Commandant Colliou , mais aussi pour les gens chez qui il travaillait .
ah c'est une chance que ton père soit resté à Lapalisse ou aux environs, à aider les gens, il était bien mieux que dans un "chantier de jeunesse" a faire du charbon de bois et manger des rutabagas, j'espère que ton père n'a pas eu d'ennuis par la suite, car à cette époque, les jeunes devaient se cacher , dans les fermes ou partir au maquis , pour éviter le STO ! merci pour ce beau récit, chere amie, bonne fin de se semaine, amities , bises et bonne santé à ton papa !
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Vendredi 3 Juin 2016 à 20:26
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Intéressant témoignage sur cette période charnière qui allait changer la vie de bien des personnes par des choix difficiles.
Témoignage précieux sur la réalité du vécu de terrain d'un bidasse soumis aux aléas de l'Histoire et des rencontres.
Merci Nicole.-
Samedi 4 Juin 2016 à 14:14
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8SimoneSamedi 4 Juin 2016 à 20:05Quel témoignage ! Mais je me sens un peu vexée. Ligne Maginot soi-disant infranchissable....et personne n' a pensé que l' ennemi pourrait la contourner ????? Ils sont passés par la Belgique.....mais comment pouvaient-ils être si nuls !!!!
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Samedi 4 Juin 2016 à 20:19
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9daniel63Dimanche 5 Juin 2016 à 09:47Il y en avait bien un qui avait réclamé des chars à cor et à cris , mais il n'a pas été écouté ....
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Dimanche 5 Juin 2016 à 10:07
@daniel : Voici un extrait de Wikipédia qui concerne, je pense, le "Un " que tu cites
"Dans son premier ouvrage, de Gaulle insiste sur la nécessité de l'unité du commandement et de la nation, donnant la primauté au politique sur le militaire. C'est selon lui à cause de ses divisions que l'Allemagne a perdu. En publiant la reprise de ses conférences sur le rôle du commandement, en 1932, dans Le Fil de l'épée il rappelle l'importance de la formation des chefs et le poids des circonstances. Si de Gaulle étudie l'importance de la défense statique au point d'écrire : « La fortification de son territoire est pour la France une nécessité permanente […] L'encouragement de l'esprit de résistance d'un peuple par l'existence de fortifications permanentes, la cristallisation, l'exaltation de ses énergies par la défense des places sont des faits que les politiques comme les militaires ont le devoir de reconnaître dans le passé et de préparer dans l'avenir », il n'en est pas moins sensible aux idées du général Jean-Baptiste Eugène Estienne sur la nécessité d'un corps de blindés28, alliant le feu et le mouvement, capable d'initiatives et d'offensives hardies. Sur ce point il entre de plus en plus en opposition avec les doctrines officielles, en particulier celles de Pétain.
Dans son ouvrage Vers l'armée de métier, il développe cette question de fond qui nécessite la création d'une armée professionnelle aux côtés de la conscription. Il devient alors le promoteur de la création d'unités blindées autonomes non liées à l'infanterie. Cependant, cette idée rencontre peu d'échos favorables, à l'exception notable de Paul Reynaud, député de centre-droit, ou de Philippe Serre."
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Khaz : Je t'avais reconnu
Mais , je trouve que tu paraîs plus âgé que ton âge de l'époque car , en 1941, tu n'étais encore qu'un gamin
Mais si tu veux la photo, je te l'envoie.Quant à l'hôtel de la Renaissance , ce n'est plus un hôtel. Mais la façade est restée identique à celle-ci.
13CornusDimanche 5 Juin 2016 à 19:04Intéressant ce récit. Mon grand-père maternel était bien plus âgé (35 ans en 1940) et a été fait prisonnier rapidement (et en a pas mal bavé) et n'est revenu qu'en 1945. Il ne m'avait personnellement jamais rien raconté de consistant, d'autant que je n'avais que 13 ans quand il est décédé. Ce que j'en sais, c'est par mes parents.
Bien sûr qu'il faut que cela soit publié !
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Dimanche 5 Juin 2016 à 19:24
Cornus: Merci.ce fut peut-être une "chance" pour mon père de faire partie des derniers " incorporés" pour leur service militaire.
Ton grand-père a dû avoir 5 années très dures.
Mon père veut que ce soit publié dans un journal bien précis que je contacterai de nouveau en transmettant mes articles de blog
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Voilà une version de la guerre à laquelle personne ne s'attend.
Et pourtant, c'est bien comme cela que les choses se sont passées!
Je me suis revu, enfant, au milieu des labours.
Merci pour ce formidable témoignage.
Amitiés,
Ramon
Ramon: Merci .Notre génération aura entendu des témoignages directs sur cette guerre à laquelle j'ai assisté pendant un an en "bourrasse " et "brassière ".( et pas en couche-culotte comme disaient mes élèves ) Les témoignages de ton beau-père , de mon père obtenus de vive voix sont précieux.
La vision des champs t'a rappelé ta vie de petit paysan. J'en suis ravie. Toi comme moi avons pris une autre voie, mais nous n'avons pas oublié nos origines paysannes !!!
Dans mon prochain article, je mets un enregistrement. Bonne soirée.
... j'aurais tant voulu que mon père me raconte "son" histoire mais sans doute voulait-il ne plus y penser...et pourtant, j'ai retrouvé un article avec son nom pour avoir sauvé un aviateur, il était dans un maquis.
Bises du soir de Mireille du sablon
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Mercredi 8 Juin 2016 à 20:57
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Bonsoir ALN,
Je pense que l'armée française a toujours été mal armée. On voit aujourd'hui que c'est pareil pour les troupes qui se trouvent dans les pays en guerre et sur le grand cahier que j'avais trouvé le soldat écrivait que l'ennemi était proche et qu'ils n'avaient toujours pas reçu les minutions. Quelques jours après il écrivait qu'ils avaient reçu les munitions mais que ce n'était pas les bonnes. Ce passage m'a beaucoup marqué.
Nous oublions souvent que les parents ont été jeunes eux aussi.
Bonne soirée ALN.
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Lundi 13 Juin 2016 à 22:00
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Témoignage sur le vif puisque tu emploies les mots de ton père, ce qui donne toute sa dimension au récit. Un bel hommage aussi que tu lui rends!
almanito: Merci .Mon père ne peut lire le texte , même grossi sur un ordi .Mais il sait que son texte fait le tour du monde ou presque .Je vais m'inscrire à ta newletter car tu écris de très jolis texte.Bonne soirée.
Petite passage de relecture.
J'en profite pour te souhaiter une belle semaine.
Amitiés.
Ramon
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Dimanche 26 Juin 2016 à 21:55
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Dimanche 17 Juillet 2016 à 22:42
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Un petit passage pour te souhaiter un bon dimanche. J'espère que les problèmes du héro s'arrangent.
Bon courage.Bonsoir Nicole,
Un petit passage pour te souhaiter un mois d'août aussi agréable que possible.
Amitiés,
Ramon
Merci pour ton gentil commentaire du jour...j'espère que tout va bien...
Gros bisous de Mireille du Sablon
Un petit coucou du week end, avec un souvenir ému pour la libération de Vichy il y a 72 ans. Amitiés,, Ramon. PS: Pourquoi les lettres sont si petites ? :-(
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Merci pour ce récit et ces photos qui fournissent de beaux témoignages.
Francis: Ce récit est sûrement incomplet .Mais mon père ne peut se souvenir de tout .Peut-être un peu plus dans l'enregistrement où tu comprendras je pense , malgré l'accent bourbonnais proche du bourguignon.