• La Bosse des Maths 

    Vous connaissez tous l'expression " avoir la bosse des maths " .

    Mais La Ch'tite Gâte a su vraiment  ce qu'était la bosse des maths dès l'âge de huit ans .

    Elle était donc en classe unique dans une école loin de son domicile de l'époque ( voir ici).

    La gamine était arrivée dans cette école à 6 ans. Elle savait lire les histoires de René, Lili, Toto et du rat et lisait Bécassine.

    Madame Depresles, l'institutrice de ce village, l'avait accueillie gentiment à son arrivée. La Ch'tite gâte, entrée à l'école à 5 ans avait dû faire une sorte de cours préparatoire dans l'école précédente. Une sorte, car , en effet, la Ch'tite Gâte n'a su qu'à 9 ans qu'à l'école il y avait différentes divisions. Avant, elle n'en avait jamais entendu parler. Elle avait juste retenu ce que lui avait dit son grand-père, le Touène : "Il faut bien travailler à l'école  si tu veux être maîtresse d'école! "

    La Bosse des maths

     Photo archives personnelles ( photo prise dans cette école )

    En calcul, la Ch'tite gâte se débrouillait plutôt bien. Normal, puisque cette maîtresse ne s'occupait que des élèves ayant des facilités et laissait beaucoup tomber les autres .Si on suivait bien, on avait à 9 ans, le niveau du fin d'études ou presque en français et en calcul.

    Donc , en 1952, la gamine faisait déjà des problèmes assez difficiles. Mais elle adorait cela. Un certain jour de 1952, elle venait de terminer  un problème sur la surface d'un pré et son prix de vente. Elle a oublié l'énoncé exact, mais le pré était rectangulaire, c'est sûr.  Madame Depresles passe dans les rangs et vérifie les résultats par-dessus l'épaule des élèves, juste avant la sortie du soir. Elle jette un oeil sur le cahier de La Ch'tite Gâte comme elle avait l'habitude de le faire. Et c'est alors que retentit un grand cri dans la classe: " Quelle horreur! Ton problème est tout faux.Mais à quoi tu penses !" Et plaf, un grand trait de stylo rouge barre le problème . 

    La Ch'tite gâte ne comprenait pas trop pourquoi son problème plutôt facile était tout faux. Une erreur de calcul, possible. Mais entièrement faux ???

    Par contre , elle avait très bien entendu plusieurs fois le bruit de verre dans la cuisine contiguë à la classe où la maîtresse se rendait plusieurs fois par jour, abandonnant la troupe pendant quelques instants.

    La petite rentre chez elle et parle de ce problème faux  à ses parents qui donnent raison à la maîtresse:" Oué terjous  possib' de se tromper,  disait Le Piarre, la maîtresse sait mieux compter que te, oué sûr !". La Ch'tite gâte avait des doutes: impossible que son problème soit entièrement faux. Elle l'avait trouvé facile.

    Le lendemain matin, retour à l'école! La maîtresse rend les cahiers de calcul, ouverts comme d'habitude. Arrivée près de  la Ch'tite gâte, elle dit ,d'un ton sévère : " Pourquoi t'as barré ton problème ?Qu'est ce qui t'es passé par la tête. Il est juste. ". La Ch'tite se souvient encore de sa surprise, en entendant ces mots.

    La gamine se lève de son banc, regarde la maîtresse fixement d'un regard noir ( le regard qui tue)  et dit : "C'est vous, madame, qui l'avez  barré hier avant la sortie! " La gamine aurait mieux fait de se taire car elle reçoit aussitôt sur la tête un grand coup de baguette ( la baguette avait la taille de l'aiguillon pour conduire les boeufs ). Elle a eu mal,  mais n'a pas pleuré bien qu'elle sentait qu'une grosse bosse se formait sur le haut de son crâne. Elle a quand même redit plusieurs fois : " C'est vous Madame qui l'avez barré ! ".  C'était presque midi et  l' Alice, la patronne du café, qui faisait réchauffer le repas des écoliers  lui a mis une compresse sur la tête tout en lui  disant : " Ben, elle avait encore bu ! " Et là, la petite a pleuré.  Mais elle était avant tout furieuse contre la maîtresse.

    Le soir, quand la Ch'tite gâte est rentrée chez ses parents, elle leur  a  raconté sa mésaventure et la bosse était bien visible. Leur réponse fut  immédiate : " Oué pas  ben  grave. Mais elle ave  inquère  bu ! " Et,  Le Piarre , très en colère contre l'institutrice , l'a traitée de tous les noms. Mais ni Le Piarre , ni La Tonine n'ont osé affronter l'institutrice. Ben oui, ça ne se faisait pas!

    Mais Le Piarre  avait quand même dit : " Si ale rec'mmence, elle aura à faire à me ! " Ces derniers mots avaient rassurée la Ch'tite.

    Quelques jours après,  La Ch'tite gâte raconta ce coup de bâton à vaches sur la tête à ses grand-parents. Et c'est là que Le Touène, son grand-père,  lui dit à peu près ces mots : " T'en fas pas, ma Ch'tite.Te seras terjous bounne en calcul. Oué LA BOSSE DES MATHS que t'as  sus la tête! Te s'ras ane bounne maîtresse d'école pus tard ". Mystérieuse bosse qui fit que par la suite, La Ch'tite gâte aimera bien  les maths !!!!

     Quand elle recevait le premier prix de mathématiques au collège, elle ne pouvait s'empêcher de penser à cette histoire de "bosse des maths "même si son grand-père lui avait expliqué depuis longtemps que ce n'était pas cette bosse qui l'avait rendue "matheuse" et qu'il fallait qu'elle continue à travailler régulièrement.

    Le résultat de cette aventure fut que La ch'tite gâte a vraiment pris ce jour-là deux décisions: la première de ne jamais boire une goutte de vin ou d'alcool.( Elle y avait déjà songé, auparavant,  pour d'autres raisons, plus familiales). Mais là, c'est sûr, elle ne voulait pas devenir "bredine" comme cette maîtresse. Et la deuxième, c'est qu'elle serait toujours bonne en calcul que son grand -père appelait  " maths " .

    Quand La Ch'tite gâte devenue une adulte a été institutrice, elle n'a jamais utilisé la moindre baguette pour montrer au tableau. Elle utilisait de temps en temps une simple règle et parfois, la règle plate.

    Cette Madame Depresles avait la réputation de boire du vin ou autre alcool pendant la classe, mais d'être une bonne institutrice. Bonne instit' oui, mais seulement pour les élèves qui suivaient sans difficultés. Donc , à la limite,ceux-là auraient presque pu se passer d'elle !(ça , c'est ALN03 qui le pense ).

    Elle a eu plusieurs fois des élèves premiers du canton au certificat d'études. Mais combien d'enfants ont-ils raté leur scolarité à cause d'elle ?

    Cette personne aurait environ 110 ans, a fait une grande partie de sa carrière dans ce village que nous avons quitté en 1953. Je ne l'ai jamais revue après notre départ. J'ai eu  tort de ne pas aller discuter avec elle quand je suis devenue instit' à mon tour. 

     

    Pour être honnête, je dois dire  que son mari, Mr Depresles,  secrétaire de mairie, nous a appris beaucoup de choses en nous faisant faire des travaux pratiques ( par ex.construire des volcans en sable dans la cour) et en organisant des ateliers  d'imprimerie à l'école pour imprimer nos rédactions

     


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